Anticiper l’échec : organiser le pre-mortem d’un projet

Portrait du contributeur – Julia MartinsJulia Martins
21 janvier 2024
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Thomas Edison, inventeur de l’ampoule, a dit un jour : « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnaient pas ». À chaque fois qu’il créait une ampoule défectueuse, il récoltait de nouvelles données pour mieux cibler les alternatives à tester ensuite.

Pour améliorer vos processus au fil des itérations, l’idéal est de comprendre ce qui ne fonctionne pas et de réessayer autrement. C’est l’objectif même du pre-mortem. Avant de donner le coup d’envoi du projet, organisez un pre-mortem avec votre équipe pour anticiper ce qui pourrait mal se dérouler. Ainsi, quand vous passerez à la mise en œuvre du projet, vous saurez déjà ce qui pourrait être amené à échouer ou réussir.

Qu’est-ce qu’un pre-mortem ?

Pendant le pre-mortem, l’équipe se projette à la fin du projet (avant même qu’il n’ait été lancé) et imagine qu’il a échoué. En remontant le fil du projet à partir du point de défaillance, l’équipe peut mieux comprendre les risques liés au projet et apprendre à les éviter au fur et à mesure de son avancement.

Même si les pre-mortem sont dirigés par le chef de projet ou le Scrum Master, l’ensemble de l’équipe projet participe au processus. Plus vous récolterez de points de vue pendant le pre-mortem, plus vous aurez de chances d’identifier un risque potentiel et de l’empêcher de se concrétiser.

Risques couramment rencontrés

Vous n’avez jamais entendu parler de pre-mortem ? Pas d’inquiétude, vous n’êtes pas seul. Beaucoup d’équipes projet prévoient des post-mortem à la fin d’un projet pour débriefer avec leur équipe ou comprendre ce qui s’est mal passé. Malheureusement, le post-mortem arrive souvent trop tard et est insuffisant. Par contre, un pre-mortem permet d’identifier les risques du projet de façon proactive et de les écarter avant qu’ils ne se concrétisent.

Pre-mortem et post-mortem

Comme leur nom l’indique, les pre-mortem et les post-mortem se déroulent à des étapes distinctes de la chronologie du projet. Le pre-mortem a lieu avant le lancement du projet. Il sert à évaluer de façon proactive les risques qui pourraient entraîner l’échec du projet.

Le post-mortem permet d’analyser le projet à son terme. Les post-mortem sont aussi appelés rétrospectives, notamment par les équipes qui suivent la méthode Scrum. Contrairement au pre-mortem, le post-mortem n’est pas systématiquement focalisé sur l’échec du projet. Même si la plupart du temps, les sessions post-mortem sont organisées en cas d’échec, elles peuvent aussi servir à faire le point sur les découvertes de l’équipe projet.

Modèle gratuit de rétrospective de sprint

Pre-mortem et gestion des risques de projet

Un pre-mortem a le même rôle qu’un processus de gestion des risques de projet. Ces deux méthodes vous aident à identifier et prévenir de façon proactive les risques du projet, mais la méthode d’identification des risques n’est pas la même.

Pendant le processus de gestion des risques, votre équipe identifie et surveille les risques potentiels du projet à l’aide d’un registre des risques. Si un risque identifié se concrétise, votre équipe a déjà un plan pour l’écarter de façon efficiente et efficace.

Dans le cadre d’un pre-mortem, votre équipe imagine que le projet a échoué. Le pre-mortem sert davantage à visualiser les risques qu’à les identifier et les gérer. C’est une méthode très utile pour certains membres de l’équipe, qui n’ont plus à se demander sans cesse « et si… ? ». Le chef de projet se sert de ces informations pour atténuer les risques ou, dans certains cas, mettre au point un plan de gestion des risques du projet.

[À lire] Le processus de gestion des risques de projet en 6 étapes claires

Les avantages d’un pre-mortem

Comme tout plan de gestion des risques, le pre-mortem vous aide à empêcher l’échec du projet. Cependant, la structure spécifique d’un pre-mortem, dans le cadre duquel votre équipe imagine que le projet a échoué a posteriori et remonte le fil de cet échec, a plusieurs avantages.

Un pre-mortem de projet vous permet de :

  • Prendre du recul prospectif. Prendre du recul prospectif, c’est imaginer que quelque chose s’est déjà produit. D’après certaines recherches, le recul prospectif renforce de 30 % la capacité à identifier correctement l’origine des résultats à venir. 

  • Réduire l’excès de confiance. Parfois, nous voulons tellement qu’un projet réussisse que nous laissons inconsciemment notre subjectivité prendre le dessus, jusqu’à en ignorer les risques. L’excès de confiance peut toucher tout le monde, même ceux qui ont procédé à une analyse des risques du projet. Dans le cadre d’un pré-mortem, vous imaginez que le projet a déjà échoué, ce qui vous permet de réfléchir sans que l’excès de confiance ne voile la vérité. 

  • Impliquer les équipes interfonctionnelles. Le pre-mortem implique tout un éventail de parties prenantes, pas seulement l’équipe projet principale. Cette diversité vous permet d’obtenir différents points de vue et de recueillir des informations utiles sur les éventuels risques du projet, que vous n’auriez pas identifiés autrement. 

  • Gérer les risques du projet. Comme la plupart des plans de gestion des risques, le pre-mortem permet d’identifier les risques potentiels du projet. Une fois le projet lancé, vous et votre équipe aurez davantage conscience des obstacles, ce qui vous aidera à les identifier plus rapidement s’ils surviennent.

Six étapes pour organiser un pre-mortem

Avec cette technique, vous partez du point de défaillance, puis remontez le fil du projet pour identifier les risques qui pourraient potentiellement affecter votre plan. Une fois ces risques identifiés, évaluez leur gravité et la probabilité qu’ils surviennent. Pour finir, il vous restera à empêcher les risques probables ou graves de se produire.

1. Créez un plan de projet

Avant d’imaginer ce qui pourrait mal se passer, vous devez vous faire une idée générale du déroulement du projet. C’est là qu’entre en jeu le plan de projet, qui répertorie les éléments clés que votre équipe mènera à bien pendant le projet.

Un plan de projet est composé de sept éléments principaux :

  1. Objectifs

  2. Indicateurs de réussite

  3. Parties prenantes et rôles

  4. Portée et budget

  5. Jalons et livrables

  6. Chronologie et planning

  7. Plan de communication

Créez votre plan de projet et communiquez-le aux personnes concernées avant d’organiser un pre-mortem. Votre équipe doit parfaitement comprendre le plan de projet pour pouvoir réfléchir à ce qui pourrait mal se dérouler. En fonction de la complexité de l’initiative, vous pouvez aussi leur transmettre une feuille de route de projet, une charte de projet ou un business case.

Par exemple, voici un plan de projet pour une campagne marketing sur Asana :

[Vue Liste] Projet de plan de campagne marketing sur Asana - liste façon feuille de calcul avec livrables de projet
[À lire] Créer un plan de projet vraiment efficace

2. Invitez les intervenants concernés

Lors de la planification de votre pre-mortem, invitez toutes les personnes qui pourraient avoir des informations sur les raisons d’un éventuel échec du projet. Il s’agit ici de votre équipe projet principale, mais aussi de tous les partenaires transversaux. La présence des sponsors du projet ou des dirigeants est moins essentielle, car ils ne sont pas au fait du travail exécuté au quotidien. Pour identifier les personnes à inviter, nous vous conseillons de créer une matrice RACI.

Reprenons notre exemple de plan de projet pour une campagne marketing. Ici, les intervenants pertinents incluraient les personnes suivantes :

  • Daniela, responsable de la campagne marketing et du marketing par e-mail ;

  • Kabir, rédacteur de contenu pour la campagne ;

  • Avery, responsable de la conception pour la campagne ;

  • Blake, responsable des réseaux sociaux pour la campagne ;

  • Kat, responsable vidéo.

3. Réfléchissez aux potentiels échecs du projet

Une fois que vous avez communiqué votre plan de projet et identifié les parties prenantes, le moment est venu d’organiser le pre-mortem. Première étape : la session de brainstorming, divisée en deux parties.

Pour commencer, chaque membre de l’équipe réfléchit de son côté aux risques potentiels du projet. Vous pouvez organiser cette session en groupe ou laisser chacun le faire à sa convenance dans les jours qui précèdent la réunion. Veillez à ce que les membres de l’équipe mènent à bien cette tâche de façon individuelle : les idées des autres ne doivent pas les influencer ! Ils auront le temps de comparer leurs idées et d’en discuter ensemble plus tard.

En tant que chef de projet, veillez à ce que les membres de votre équipe se sentent libres de dire tout ce qu’ils pensent. Certains risques sont plus personnels que d’autres, mais ils ne doivent pas être ignorés pour autant, sans quoi la réussite du projet peut être compromise. Pourquoi ne pas établir des normes de groupe ? De cette façon, chacun se sentira libre d’exprimer ses pensées.

[À lire] 29 techniques de brainstorming efficaces pour stimuler la créativité

Par exemple, l’équipe chargée de la campagne marketing identifie que la campagne pourrait échouer pour les raisons ci-dessous.

  • Les livrables du projet ne sont pas fournis dans les temps.

  • Les livrables sont fournis dans les temps, mais ils contiennent des fautes d’orthographe et des erreurs graphiques.

  • Le projet dépasse le budget.

  • Les commentaires des clients sur le message de la campagne sont négatifs, ce qui nuit à l’image de la marque.

  • Les pages de destination liées à la campagne plantent et ne sont pas disponibles la semaine du lancement.

  • Le style du design de la campagne est copié par la concurrence.

  • Les restrictions du budget marketing affectent le déroulement du projet et les livrables de la campagne organisée par la marque.

  • La stratégie créative ne trouve pas écho parmi les clients du marché ciblé, ce qui dévalorise la marque et nuit à la perception de son image.

  • Les parties prenantes manquent de cohésion quant aux livrables, ce qui est source de frustration pendant le processus projet. 

4. Faites le point sur les risques

Une fois que les membres de votre équipe ont rédigé leurs idées de façon individuelle, le moment est venu de les communiquer au groupe. Vous ou un autre intervenant devez noter toutes les idées dans une source unique de référence. Idéalement, ce processus devrait être visuel, de façon à ce que les membres de l’équipe puissent discuter des échecs potentiels et s’en servir de point de départ, le cas échéant. Pourquoi ne pas utiliser un tableau blanc ou un outil de brainstorming collaboratif pour noter les idées de chacun ?

Quand tout le monde est prêt, organisez une réunion (en présentiel ou sur Zoom) et demandez à chacun de transmettre une idée à la fois. Plutôt que de laisser un membre lire toutes ses idées d’échec d’un coup, encouragez chacun à partager une de ses idées, passez à la personne suivante, etc. De cette façon, vous donnez à tout le monde une chance de parler. Demandez-leur d’éviter les doublons, sauf s’ils ont une information clé à ajouter.

Modèle gratuit de brainstorming en équipe

5. Identifiez les risques, leur probabilité et leur gravité

Les échecs répertoriés par votre équipe pendant la session de brainstorming pre-mortem n’auront pas tous de fortes chances de se produire. Même s’ils surviennent, ils ne seront peut-être pas suffisamment graves pour avoir des répercussions sur les objectifs du projet. Certains échecs sont trop improbables, alors que d’autres sont trop minimes pour nuire au projet et causer son échec. En équipe, parcourez la liste et identifiez les échecs qui sont soit très probables, soit très graves.

Le nombre de risques identifiés dépend de la portée et des effets attendus de votre projet. En général, nous recommandons d’identifier dix échecs, mais vous pouvez en avoir plus ou moins en fonction de votre situation.

Par exemple, pendant le pre-mortem de la campagne marketing, l’équipe identifie cinq risques à écarter :

  • Probabilité élevée : les livrables du projet ne sont pas fournis à temps.

  • Probabilité élevée : le projet dépasse le budget.

  • Sévérité élevée : les pages de destination liées à la campagne plantent et ne sont pas disponibles la semaine du lancement.

  • Sévérité élevée : la stratégie créative ne trouve pas écho parmi les clients du marché ciblé, ce qui dévalorise la marque et nuit à la perception de son image.

  • Facile à résoudre : les parties prenantes manquent de cohésion quant aux livrables, ce qui est source de frustration pendant le processus projet.

6. Révisez le plan du projet

Une fois la réunion pre-mortem terminée, intégrez les réflexions de l’équipe au plan du projet. Recherchez les éventuels points faibles de votre plan et remédiez-y afin d’empêcher la concrétisation de certains des scénarios d’échec identifiés au préalable par votre équipe. C’est l’occasion pour vous d’atténuer les risques et d’améliorer les résultats à venir, avant même que le coup d’envoi du projet ne soit donné.

Si vous travaillez sur une initiative de grande ampleur, répertoriez une partie des risques probables ou graves sous la forme d’un registre des risques. Ensuite, si vous avez apporté des modifications majeures ou mis en place de nouveaux outils pour éliminer les risques, ajoutez-les au plan du projet pour les présenter à votre équipe, à vos collaborateurs transversaux, aux dirigeants ou aux sponsors du projet.

Par exemple, après le pre-mortem pour la campagne marketing, voici comment affronter chaque risque :

  • Il est très probable que les livrables du projet ne soient pas fournis à temps. Pour contrer ce risque, consultez votre travail dans un outil de type diagramme de Gantt, idéal pour visualiser les tâches sur une frise chronologique et identifier clairement les livrables et les obstacles. Envoyez des rapports d’avancement de projet pour tenir tous les dirigeants informés de votre progression. 

  • Il est très probable que le projet dépasse le budget. Pour contrer ce risque, faites le point sur le budget dans les rapports mensuels d’avancement de projet et tenez systématiquement informé le sponsor du projet. Avant de lancer le projet, faites le point sur le budget pour veiller à avoir un peu de marge en cas d’imprévu.

  • Le plantage des pages de destination de la campagne a un impact sévère sur le succès de la campagne. Pour contrer ce risque, lancez les pages dans un environnement de simulation la semaine avant le lancement, afin d’en vérifier le bon fonctionnement avant de les publier officiellement. 

  • Le fait que la stratégie créative ne trouve pas écho parmi les clients du marché ciblé a un impact sévère sur la réussite de la campagne. Cela donne lieu à des opportunités manquées, dévalorise la marque et nuit à son image. Pour contrer ce risque, incluez les recherches sur les profils menées par l’équipe marketing dans le plan du projet et dans le brief de projet pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. 

  • Les parties prenantes du projet peuvent être frustrées si la nature exacte des livrables ne leur a pas été communiquée au départ. Ce risque peut être facilement résolu avec l’adoption d’un plan de communication et d’une source unique de référence pour toutes les informations relatives au projet, comme un outil de gestion du travail

Réunion pre-mortem : et après ?

Un pre-mortem vous aide à comprendre pourquoi votre projet pourrait échouer et à éviter ces risques de se concrétiser. Une fois que vous avez terminé le pre-mortem, il ne vous reste plus qu’à lancer le projet. Besoin de conseils pour vous lancer et pour optimiser vos processus ? Accédez à nos ressources de gestion de projet.

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